Passé par Gueugnon, Mulhouse ou encore le CA Bastia, Romain Beynié a également porté les couleurs de l'Olympique Lyonnais entre 2004 et 2010. Toutefois, le natif de l'Arbresle n'aura disputé qu'un seul match professionnel avec les Gones. Son parcours de formation, ses anecdotes du vestiaire lyonnais ou encore l'ascension de Karim Benzema, le milieu de terrain de 34 ans s'est longuement confié pour ce qui est la première interview de la rédaction de 100%OL.
Romain bonjour et merci d'avoir accepté cette première interview croisée format papier. On commence fort et original. Comment vas-tu ?
- Alors écoute tout va très bien, je vous remercie d'avoir pensé à moi pour cette interview.
L'arrivée à l'OL, comment tu la gères ?
- J'arrive à l'OL parce que dans mon petit club de l'Arbresle je n’étais pas trop mauvais. Il y avait deux facteurs qui ont fait que je suis venu à Lyon. Le premier c'est qu' on jouait contre Lyon en championnat avec l'Arbresle, du coup j'avais fait les matchs contre l'OL. Il y avait aussi les sélections de district pour les meilleurs du département et j'avais été sélectionné, Donc on avait fait 3-4 jours dans la banlieue lyonnaise et là il y a tous les recruteurs qui viennent. Ils m'ont demandé de venir faire un essai, ce que j’ai accepté. C'était Alain Thierry a l'époque, qui m'avait recruté avec Gérard Bonneau. Ça s’était bien passé à Lyon. C'est moi qui ait poussé pour y aller. Je me suis dit que le train ne repasserait peut-être pas une deuxième fois. Je n’avais pas du tout de stress même si c'était dur de quitter la famille. Je suis resté vivre chez moi. J'avais la chance d'avoir ça mais par contre il fallait gérer le nouvel emploi du temps bien chargé entre études et foot. À partir du moment où je suis arrivé à Lyon c'est devenu un objectif d'être professionnel. Mon père m'a toujours dit que si je faisais quelque chose, il fallait le faire à fond.
Le fait de continuer tes études, était-ce une sécurité en cas d'échec dans le foot ou avais-tu déjà prévu ton avenir ? Penses-tu qu'il est important de former des hommes avant des joueurs ?
- Mes études étaient hyper importantes. Pas forcément pour moi mais plus pour ma famille. Le deal c'était : Tu peux aller taper dans ton ballon, tous les jours voire deux fois par jour, les week-ends... mais par contre il faut que tu continues tes études. Mon premier objectif, c'était le Bac. Ça c'était interdit de ne pas l'avoir, je l'ai eu. Ça c'était le premier deal. Après j'ai eu la chance une fois que le contrat pro est arrivé de pouvoir choisir et dire j'arrête, je ne me consacre qu'au football. D'ailleurs, avec le recul c'était peut-être une erreur. J'aurais mieux fait de continuer les études parce que ça donne un équilibre. Je pense que j'avais un bien meilleur équilibre à 18-19 ans avec des études en parallèle.
Et pour répondre à ta question est-ce qu'il est important de former des joueurs mais aussi des hommes? Bien sûr que les deux sont importants. J'ai eu la chance d'avoir des top formateurs. Je pense bien sûr à Armand Garrido, à Alain Olio, c'était des personnes qui savaient inculquer des valeurs, donner une éducation. On passait tellement de temps avec eux que ça devenait presque nos deuxièmes papas. Ils ne lésinaient pas sur la discipline donc ça m'a beaucoup apporté. Après sur l'aspect études, le club met les études au même niveau que le foot mais la réalité est quand même tout autre. On se rend compte que si un joueur est vraiment au-dessus du lot il aura beau être complètement nul à l'école il ne sera pas viré pour autant du club. Donc le foot a quand même une part primordiale dans le choix entre études et football.
Tu fais partie de la génération 87 dont tu fus le capitaine dans toutes les catégories de jeunes. Selon toi est-ce qu'un capitaine en jeunes peut devenir capitaine en pro ?
- J'ai eu le brassard c'est vrai, dans toutes les catégories de jeunes. À Lyon je pense que c'était dû, en grande partie à l'exemple que je pouvais donner. J'étais tout le temps à fond sur le terrain, j'étais plutôt bien élevé, je ne disais jamais un mot plus haut que l'autre et j'étais plutôt un exemple dans le travail et dans l'abnégation. Leader pur et dur à prendre la parole et à faire des grands discours ce n’était pas forcément ma manière d'être même si je l'ai fait et ça apprend aussi à se faire violence sur ce genre de choses. Et après évidemment que quelqu'un qui est capitaine, il peut être capitaine en jeunes et capitaine en pro, ça ne pose pas de problèmes. Je lisais un article sur Maxence Caqueret qui est capitaine depuis toutes les catégories jeunes et qui risque de le devenir à l'OL si prolongation de contrat. C'est bien la preuve que ça fonctionne et qu'il y a un passage de témoin.
Vous êtes finalistes de la Gambardella lors des éditions 2005 et 2006. De bons souvenirs? Quels conseils donnerais-tu à nos lyonnais qui sont en finale ?
- Pour la Gambardella, magnifique souvenir même si c'est une grosse déception d'avoir perdu deux fois de suite en finale. La première fois il n'y avait pas eu match on a perdu 6-2 contre Toulouse. On a été zéro, en dessous de tout. En revanche, la seconde finale, il y a plus de regrets. On perd contre Strasbourg, je pense que l'on fait un bon match et puis c'était surtout la revanche du 6-2 de Toulouse qui finalement n'a pas pu être prise, donc pas mal de déception. C'est la seule fois où j'ai pleuré sur un terrain de foot pour une défaite. Ça ne m'est jamais arrivé ensuite donc c'est dire à quel point ça marque. Pour les jeunes lyonnais, les conseils c'est la jouer à fond. On se rend compte que sur une carrière à mon humble niveau des finales de ce type on n’est pas forcément amené à en revivre. Il faut profiter même si on est jeune et qu’on croit que l'on va devenir les futurs Benzema ou Ben Arfa. Il faut profiter de ce moment-là et jouer la finale à fond. Évidemment, il n’y a que la gagne qui compte. On peut dire ce qu'on veut, on a été deux fois de suite en finale, on ne se souviendra pas forcément de ça. À l'inverse si on l'avait gagné, ça reste sur le palmarès.
"Les cartes sont rebattues quand on arrive en pro”
Benzema, Ben Arfa, Rémy, Mounier, Riou... Une génération très talentueuse. Aurais-tu une ou plusieurs anecdotes à nous raconter ? Les victoires en jeunes sont-elles un premier pas vers des victoires en pro?
- Les anecdotes j'en ai des tonnes mais je vais les garder pour moi parce qu'il y a trop de dossiers. Mais ce sont des souvenirs qui seront à jamais gravés. De tous les joueurs que tu as cité, la personne avec qui je suis resté en contact c'est Anthony Mounier. J'ai aussi d'autres personnes qui m'ont marqué dans cette génération et avec qui j'étais très ami: Sandy Paillot, Michael Courcaud, Rémy Riou... C'était des personnes avec qui j'ai pris beaucoup de plaisir à vivre cette aventure et qui resteront des amis à vie, même si tout le monde s'est un peu perdu de vue. Mais si on se voit demain ce serait exactement comme avant. C'était fantastique!
Après pour ce qui est des victoires en jeunes et du monde pro derrière y'a quand même une grosse différence. C'est pas parce qu'on a gagné tout un tas de matchs et compétitions en jeunes que lorsqu'on arrive en pro on se retrouve les yeux fermés. C'est souvent un ou deux joueurs qui ont la chance de jouer donc on ne peut pas parler d'automatismes. Les cartes sont rebattues quand on arrive en pro.
Hatem est vu par grand nombre d'observateurs comme le plus talentueux de votre génération. Comment expliques-tu qu'il n'ait pas eu la carrière que beaucoup lui prédisaient?
- Hatem est-ce que c'est le plus gros talent ? Oui sûrement. En tout cas, c'était un talent incroyable quand j'ai joué avec lui en jeunes à Lyon. Est-ce qu'il l'est plus que Karim intrinsèquement ? Je ne sais pas. C'était deux styles de joueurs différents mais oui Hatem était un incroyable talent. Pour sa carrière, c'est évident que tout le monde l'a érigé en futur Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo. On pensait qu'il allait avoir une carrière de cet acabit. Il a sa personnalité et c’est ce qui fait aussi qu'il a pris des chemins différents. Maintenant, je trouve qu'il a quand même fait une belle carrière. Il ne faut pas oublier que dans sa carrière il a eu des graves blessures dont une qui lui a fait beaucoup de mal quand il était à Newcastle. Ce genre de blessures qui n'est pas juste une entorse de cheville. On met beaucoup de temps à s'en remettre voire on ne s’en remet pas du tout et ça les gens ont tendance à le gommer en pensant qu'il a raté sa carrière. Sans cette blessure il aurait peut-être eu une carrière différente, il faut le mettre dans l'équation pour avoir toutes les données.
“Karim, c’est fantastique ce qu’il fait et la longévité qu’il a au plus haut niveau”
Quel regard portes-tu sur la carrière de Karim qui a atteint une régularité exceptionnelle au plus haut niveau? Pensais-tu qu'il atteindrait ce niveau?
- Karim, c'est fantastique ce qu'il fait et la longévité qu'il a au plus haut niveau. C'est pour moi d'ailleurs un des marqueurs les plus importants quand on doit définir un joueur. Faire une bonne saison parmi dix ou quinze, beaucoup l'on fait. Lui, il en fait chaque année. C'est fantastique. Après le parcours de Karim, je vais raconter des choses que l'on connaît tous. Au départ quand j'arrive à 14 ans à l'OL, ce n’est pas lui le meilleur. Il a des qualités mais de là à dire qu'il allait faire cette carrière je pense que personne ne le savait même les éducateurs. Il avait quelque chose donc ils ont cru en lui. Je me souviens que la première année quand j'arrive il est pas loin de ne pas être conservé et puis finalement il reste à l'OL. Après, il a un déclic dans la tête. Il s'est dit “Je saisis ma chance”. Pour faire la carrière qu'il fait aujourd'hui, c'est preuve d'un mental à toute épreuve. Il est revenu en équipe de France peu l'auraient cru et je pense qu'il l'a toujours eu dans un coin de sa tête et ça l’a nourrit, c'est plus que mérité.
Selon toi, le prochain Ballon d'Or c'est lui ?
- Le Ballon d'Or c'est un trophée qui veut tout et rien dire. Les attaquants marquent des buts, ils sont plus mis en valeur. Il y en a qui gagnent des trophées, d'autres pas. Karim fait partie des meilleurs joueurs du monde. Est-ce qu'il sera Ballon d'Or? Il faut qu'il gagne la Liga, la Champions League.... Ce sont plein de petites choses qui font que ça bascule. Maintenant c'est clair qu' il est tout proche de pouvoir le gagner. Je pense que c'est vraiment les trophées. Si lui est décisif comme il l'est en ce moment sur des matchs vraiment clés ça peut faire en sorte qu'il le gagne.
Tu disputes ton 1er match professionnel le 06/12/05 contre Rosenborg à Gerland un soir de Ligue des Champions. Qu'as-tu ressenti au moment de fouler la pelouse ?
- Je ne l'ai pas vu venir. Il manquait des joueurs, Gérard Houiller fait appel à moi. Il a eu la gentillesse et la bonté de me faire rentrer cinq minutes sur ce match. Ça restera gravé à vie dans ma mémoire mais je n'étais absolument pas stressé. Je pense que si je devais le jouer maintenant je le serai beaucoup plus et je mets sûrement ça sur le compte de l'insouciance, de la jeunesse où je ne me rendais pas forcément compte de l'événement. D'ailleurs c'était très bien comme ça, donc magnifique souvenir.
“Quand on signe son premier contrat pro, c’est seulement le début, pas un aboutissement”
Tu signes ton 1er contrat professionnel à la demande de Gérard Houllier. Comment l’as-tu vécu? Tu as privilégié le sportif ou le financier? Quel souvenir gardes-tu de cet entraîneur?
- Mon premier contrat pro, c'est une forme d'accomplissement. D'ailleurs, ça l'a sûrement été un peu trop puisque je pense que j'ai relâché un peu une fois que j'ai été pro. C'était l'objectif ultime en jeunes de signer pro et l'erreur à mon sens que j'ai faite à l'époque c'est qu'une fois que le contrat a été signé, je ne me suis pas forcément fixé de nouveaux objectifs. Comme par exemple m'installer en tant que titulaire à l'OL. Sur le coup, je ne pensais pas comme ça mais je me suis sûrement un peu endormi sur mes lauriers alors que quand on signe son premier contrat pro c'est seulement le début, pas un aboutissement.
Sur le premier contrat pour ce qui est de l'aspect sportif ou financier, j'ai évidemment privilégié le sportif même si lors de la négociation du contrat, j'avais envie d'être payé à ma juste valeur et pas être en dessous de ce que les autres pouvaient toucher. J'ai jamais fait des choix par rapport à un aspect financier. J'ai toujours privilégié le sportif. Il n'y avait aucune raison que je signe ailleurs qu'à l'OL mon premier contrat pro. Ensuite pour ce qui est de Gérard Houiller, j'en garde un très bon souvenir. Il m'a fait jouer en pro, il m'a offert un premier contrat pro. Ce serait dur de dire du mal de lui. Après, c'est dommage qu'il ne soit pas resté au club l'année qui suit la signature de mon contrat puisque c'est lui qui l'avait voulu. Quand un nouvel entraîneur arrive et que tu n’es pas forcément désiré, ça rebat les cartes. Après j'ai eu ma part de responsabilité sur le sportif.
Être en concurrence avec des joueurs comme Juninho Diarra Tiago Pedretti Clément c'était quelque chose de frustrant ou au contraire une source de motivation supplémentaire pour travailler encore plus ? Et aujourd'hui, est-ce que selon toi l'intégration des jeunes joueurs est différente ?
- Pour l'intégration des jeunes joueurs maintenant, encore une fois, ayant quitté un peu le milieu j'aurais du mal à te donner mon ressenti. Je trouve que les jeunes joueurs s'intègrent très bien. Pour ce qui est de mon cas, la concurrence que j'avais avec ses joueurs c'était fou. C'était motivant évidemment mais c'était aussi frustrant parce que c'était un OL complètement différent de celui d'aujourd'hui. Quand je suis arrivé en pro, c'est un OL qui lorsqu'il y a eu une cascade de blessés au milieu rachetait des mecs à prix d'or en un claquement de doigts et n'avait pas forcément l'instinct de dire, on va faire avec notre centre de formation. Aujourd'hui, je pense que ce serait un peu différent et la mentalité a un peu changé. C'était top de m'entraîner avec des joueurs aussi forts, mais je pense que c'est bien pour un jeune de démarrer parfois. Lorsque la concurrence et les ambitions du club sont élevées, le jeune a peut-être un peu de mal à éclore.
“Les jeux étaient déjà faits pour moi”
En 2008 tu es prêté à Tubize, promu en division 1 belge. Ton objectif était d'aller chercher du temps de jeu pour revenir ensuite plus fort à l'OL et t'imposer ou profiter de ce prêt pour attirer l'œil de potentiels recruteurs ?
- L'idée du prêt évidemment c'est de jouer, d'avoir du temps de jeu, de revenir plus fort et de s'imposer à l'OL. Maintenant, si je suis totalement sincère, je pense que les jeux étaient déjà faits pour moi avant même de partir en prêt là-bas. C'est à dire qu'on nous dit forcément «fais un prêt si t'es bon tu reviendras». Mais on sent bien que dans l'esprit, un joueur qui est prêté, en tout cas à l'OL comme c'est mon cas, c'est rare qu'il revienne. C'est déjà une première étape à la sortie et pour moi ça a été ce qu'il s'est passé. C'est pas que l'OL qui a fait que j'ai pas réussi, je me remets en premier lieu en cause dans les erreurs, dans les choix de carrière ou même sur les performances sportives. Je suis le seul responsable même si à mon sens, il y a des circonstances atténuantes sur plein de choses.
A Tubize, tu es titulaire, tu disputes 27 matchs. Tout se passe bien et tu te blesses. Tu vis ça comme un coup dur qui t'as freiné dans ta progression? A ce moment là comment l'OL te soutient?
- Oui, le prêt s'est bien passé, j'ai joué 27 matchs comme tu l'as dit donc c'est plutôt probant. Quasiment tous titulaires. J'ai fait des bons matchs contre des tops clubs. Il y avait le Club de Bruges, le Standard, Anderlecht, des clubs qui sont habitués à jouer l'Europe, donc c'est un championnat agréable pour ça. Après je me blesse au mauvais moment, sur la fin de saison, là où tout se décide, où les recruteurs viennent faire un tour, viennent se positionner parfois sur des matchs où on peut faire la différence. C'est clair que ça a été un coup dur, c'était une sale blessure au genou. On n'arrivait pas trop à me soigner donc c'était pas top cette période.
Comment me soutient l'OL? Ils me soutiennent de manière normale. J'ai accès aux soins, le Docteur Emmanuel Laurent et les kinés me soignent. J'étais même revenu en cours de saison à l'OL pour faire des examens. Je pourrais citer comme personne qui a beaucoup compté, Frédéric Moyer qui était, au-delà du Doc du centre de formation, une personne géniale, toujours à l'écoute. J'ai d'ailleurs gardé de très bons contacts avec lui, il m'a aidé pas que sur ces blessures mais sur plein d'autres à me remettre sur pied, à me trouver des examens quand il n'y en avait pas dans les circuits normaux. Dans ma rééducation, il a compté.
Durant ta carrière tu as connu beaucoup de blessures justement. Frustrant et difficile à accepter ou au contraire cela te forge un mental ?
- Pour ce qui est de mes blessures si tu m'avais posé la question une dizaine d'années en arrière je t'aurais probablement dit que je n'avais pas de chance, que c'était dommage, que ça tombait au mauvais moment, que je ne comprenais pas pourquoi alors que je faisais tout bien je me blessais. Quand je dis que je faisais tout bien c'est que j'avais une bonne hygiène de vie, je faisais attention à la préparation athlétique. Voilà je faisais tout ce qu'il fallait pour ne pas me blesser. Maintenant avec le recul et ça j'en suis certain, ce qui a fait que je me suis blessé ce n’est pas que j'étais plus fragile qu'un autre, ce n’est pas parce que j'avais pas de chance. C'est surtout parce que dans ma tête j'étais pas comme il fallait être.
Je n’avais peut-être pas cet esprit de tueur, j'étais peut-être même pas 100 % heureux dans cette vie de joueur de foot qui m'a donné pourtant beaucoup de plaisir. Ça a été génialissime mais y'avait sûrement des choses qui me manquaient. Il y avait un équilibre qui ne fonctionnait pas et je pense que c'est pour ça que je me blessais et pas parce que je n’avais pas de chance. Ça je l'ai appris avec le recul et un jour j'ai su faire le vide et le tri de ce qu'il fallait dans ma tête et comme par hasard à partir de ce moment-là je ne me suis plus jamais blessé. Tout est dans la tête ça je le confirme je le valide. Et je rajouterai que je me serais bien passé de ses blessures mais ça a malgré tout forgé mon mental. C'est-à-dire que je ne lâche jamais même si une situation est délicate. Je veux et je sais que je me relève et aujourd'hui dans ma vie professionnelle ou ma vie de famille avec mes enfants ça m’est et ça me sera très utile.
“Alain Olio restera gravé à vie dans ma mémoire”
Alain Olio que nous avons reçu nous confiait qu'il te voyait avoir une carrière plus importante au vu de tes qualités de footballeur mais aussi humaines. Que lui répondrais-tu ? A titre personnel as-tu des regrets ?
- Concernant Alain, j'ai eu la chance de voir la partie du live que vous aviez fait ensemble où il parlait de moi. On s'est écrit suite à ces échanges de bons mots tous les deux. C'est vraiment quelqu'un que j'apprécie beaucoup. Il restera à vie gravé dans ma mémoire et pas que pour l'aspect sport mais également pour l'aspect humain. On a partagé des choses ensemble et ça a forgé une amitié. Je pense qu'on peut le dire donc ces mots m'ont fait plaisir. Quand on se regarde dans le blanc des yeux, on sait très bien que j'aurais pu, dû, faire une meilleure carrière. J'ai encore une fois fait la carrière que je devais faire et si je n’ai pas eu de réussite, c'est aussi parce qu'à certains moments, je n’ai pas fait ce qu'il fallait. Il ne faut pas se voiler la face. Par contre, ce qu'il faut, c'est que ça serve pour la suite. Même si je n’ai pas eu la carrière que je voulais, les erreurs ou les échecs que j'ai pu connaître m'ont permis de me construire et de réussir ce que j'ai entrepris dans ma nouvelle vie. Tout est bon à prendre si on sait le prendre et l'utiliser.
A la fin de ta carrière, tu reprends les études et obtiens un diplôme en 2020. Tu as toujours pensé à ton après-carrière. C'était quelque chose d'important pour toi ? Comment conseillerais-tu un jeune pour appréhender sa carrière ?
- L'après-carrière a été vraiment mon angoisse toute ma vie de joueur. C'est-à-dire que je me suis toujours dit : mais qu'est-ce que je vais faire après le foot ? Moi, j'ai vécu de ma passion mais après le foot il faut bosser car la vie ne s'arrête pas. J'avais plein d'idées. Je pensais que j'allais rester dans le foot. J'avais passé des diplômes. Un avec l'UNFP de gestion des organisations sportives, le DUGOS, qui est l'équivalent d'un bac+2. J'avais passé des diplômes d'entraîneur notamment pour entraîner les jeunes. Les premières bases des diplômes et puis la vie fait que je me suis orienté vers autre chose et aujourd'hui je suis content d'avoir quitté ce milieu. Je ne le dis pas du tout avec véhémence envers le foot mais j'aime bien ce que je fais aujourd'hui et je ne me serais pas vu rester dans ce milieu qui est quand même très instable. On déménage chaque année, on emmène sa famille avec soi. C'est très déstabilisant pour tout le monde. On ne gagne pas des milles et des cents à ce niveau là, c'est beaucoup de sacrifices pour des fois pas grand-chose. Je pense que j'avais vraiment fait le tour du foot et que la vie a bien fait les choses puisque j'ai pu me réorienter vers un autre secteur qui me plaît beaucoup aujourd'hui.
Le conseil que je donnerais, c'est d'utiliser le temps qu'on a en étant joueur de foot parce qu'on a quand même beaucoup, pour anticiper son après-carrière. Est-ce que ce sont des études ? Est-ce que c'est un projet qu'on met sur pied ? Je sais pas y a des milliers de choses à voir mais vivre de sa passion c'est bien et je pense qu'il faut le faire. Si mon fils voulait faire du foot c'est ce que je lui dirais, vis de ta passion. Par contre, anticipe la suite parce que la fin de carrière, elle fait mal et tous ne sont pas des Karim Benzema qui vont gérer leur patrimoine et qui auront plusieurs entreprises à leur actif et des multinationales pour les faire vivre. C'est pas comme ça que ça se passe pour la plupart des gens.
Tu es désormais conseiller clientèle chez Swiss Life Select. Comment passe-t-on de footballeur professionnel à conseiller clientèle ? Le gap est-il important entre le monde du football professionnel et la société civile ?
- Si j'ai fait ce choix de reconversion, c'est uniquement parce que Milan Thomas qui est mon meilleur ami et avec qui j'ai joué à l'OL, avait déjà fait ce choix en amont de venir en Suisse, de reprendre ses études et de se lancer en finance. Et puis, comme on était meilleurs potes et qu'on échangeait souvent sur mon après-carrière il m'a dit : "Mais pourquoi tu tentes pas ce que j'ai fait ?" Je suis venu le voir quelques jours en Suisse. J'ai beaucoup échangé avec lui et de fil en aiguille je me suis dit: "Allez pourquoi pas on tente." J'avais un club de troisième division suisse qui me permettait de faire la jonction aussi avec le foot et cette reprise d'études et de job. Ça fait 5 ans. Je suis très fier d'avoir réussi à me replonger dans les études à 30 ans avec qui plus est deux enfants qui arrivaient aussi en cours de route. Il a fallu beaucoup de courage et de mental mais ça c'est sûrement le foot qui me l'a inculqué. Ça donne aujourd'hui une vie qui me plaît et pour rien au monde je ne changerais ça. Le gap n'a pas été pas si dur que ça à passer parce que ça faisait très longtemps que je réfléchissais à ce que je voulais faire. Du coup, je l'ai fait en douceur grâce au fait d'avoir anticipé et de ne pas du jour au lendemain me dire bon maintenant qu'est-ce qu'on fait ? J'ai 35 ans, j'avance plus , aucun club ne me veut, qu'est-ce que je fais? Ce n'est pas ce choix que j'ai fait. J'aurais sûrement pu jouer encore bien plus longtemps mais la stabilité et la vie que j'ai grâce à ce choix me conviennent parfaitement.
“Tout le monde se croit l'entraîneur à la place de Peter Bosz. Je trouve que c'est un peu dommage."
Vu de l'extérieur que dirais-tu de la situation actuelle de l'OL ?
- La situation de l'OL aujourd'hui, c'est sûr que ce n’est plus l'OL de quand j'ai pu être au club. Les temps changent, des choix ont été faits. Ça a dû se jouer des fois à tellement peu de choses que l'on peut débattre des heures. Finalement, c'est un petit grain de sable qui a enrayé la machine. Est-ce que l'OL a conservé l'identité qui était la sienne ? Je ne sais pas, je vais te redire ce que j'ai dit. Ayant un peu déserté le milieu, j'ai plus trop d'infos à ce sujet. Ce que je peux dire, c'est que tant qu'il y aura Jean-Michel Aulas à la tête de ce club, je ne suis pas inquiet. C'est quelqu'un, quoi qu'on dise, qui a créé un club incroyable, à la force du poignet. Alors oui il a un esprit d'entrepreneur, un esprit de tueur, il défend son club, mais je trouve que c'est génialissime le parcours qu'il a eu. D'ailleurs, si je pouvais discuter avec lui un jour de sa réussite, ça me plairait beaucoup parce que c'est inspirant je trouve. On l'aime, on l'aime pas, c'est autre chose. Je pense que ce qui va vraiment être dur c'est l'après Aulas. De savoir qui va reprendre et quelle sera la ligne directrice de cette personne-là. Parce qu'aujourd'hui Aulas c'est quand même celui qui permet d'avoir un vrai lien entre ce qu'il a créé au tout départ en 87 quand il reprend le club et ce qu'il y a encore maintenant. Il a fait un stade fantastique, il sort des joueurs génialissimes. Alors oui l'OL n'a pas gagné de coupe d'Europe, oui l'OL n'a plus gagné de trophées. Mais des fois? on est dur aussi et on ne voit pas tout le travail qui est fait en amont. Je cite le président parce que c'est lui en tête d'affiche, mais il y a évidemment plein d'autres personnes.
Et les supporters évidemment qu'ils sont importants puisqu'ils font vivre le club de plein de manières. Que ce soit d'un point de vue financier, en achetant des billets et des produits dérivés, en venant au stade, en encourageant, en créant de la ferveur, en créant un lien avec les joueurs. Mais après un supporter doit rester un supporter. Il doit encourager. Ça veut dire que dans les bons comme dans les mauvais moments, on doit être derrière. On peut afficher son mécontentement, mais moi qui ai vu de l'intérieur comment ça se passe dans un club, des fois c'est pas si simple. Et quand un supporter siffle un joueur qui rentre sur le terrain, je peux vous garantir qu'il n'y a aucun joueur qui a envie d'être mauvais, de rater une passe exprès pour faire perdre son équipe. Des fois, c'est un peu plus complexe que le simple fait de dire : vous courez pas, vous êtes nuls, vous êtes surpayés. Sauf que le raccourci est vite fait et la période dans laquelle on est avec tous ces réseaux sociaux, cette culture de l'instant où on met un commentaire est difficile. Tout le monde se croit l'entraîneur à la place de Peter Bosz. Je trouve que c'est un peu dommage. Ça mériterait un peu plus de réflexion parfois que juste réagir par passion. Ce qui est bien mais j'apposerais quand même un peu de conscience derrière.
Romain merci mille fois pour cet entretien. Si on devait finir avec un petit mot de ta part aux supporters lyonnais et aux lecteurs de 100 % OL by GoneBack ce serait lequel ?
- Écoute, merci à toi. Si je devais donner un mot de la fin aux supporters, je dirais de supporter l'OL, leur club de cœur qui est également le mien. De penser à des jours meilleurs et ça viendra forcément un jour puisque l'OL est un grand club avec beaucoup de choses qui ont été mises en place pour que ça amène à de la réussite. Donc, de croire en des jours meilleurs. Je leur souhaite la plus belle fin de saison possible en allant chercher cette place en coupe d'Europe qu'ils méritent tant et qui fera du bien au moral de tout le monde.
Propos recueillis par Florian et Cook le 20/04/2022/ Rédaction: Jérémy Le Roch et Antoine Melinand